Deux frères ont immortalisé le Paris intemporel avec un drone
Les deux frères Basile Dell et Jérémie Lippmann publient « Paris à vol d’oiseau », un très beau livre constitué de 160 photos, toutes prises en 2019, avant le premier confinement, qui nous ramènent à des temps plus doux
Le Génie de la Liberté, place de la Bastille (IVe), le 22 mai 2019, un peu avant 8 heures du matin. Basile Dell-Jérémie Lippma
Providentiellement perché sur l’aile droite du Génie de la Liberté au sommet de la colonne de Juillet, le corbeau semble observer l’agitation parisienne du haut de son Olympe, place de la Bastille (IVe). Prise par Basile Dell le 22 mai 2019 à 7h50 du matin grâce à l’appareil-photo fixé sur un drone piloté par son demi-frère, Jérémie Lippmann, cette photo exceptionnelle orne la couverture de leur très beau livre « Paris à vol d’oiseau »*, paru le 1er octobre et disponible en ligne ou dans les librairies proposant un système de « click and collect » par ces temps de distanciation sanitaire.
Offrir un nouveau point de vue
Inoubliable, cet instant de grâce n’aurait sans doute jamais été fixé sur pellicule sans les travaux de la place de la Bastille. « C’est à cause du chantier moche que nous nous sommes concentrés sur le Génie », se souvient Basile Dell, 48 ans. « Ce corbeau qui va où bon lui chante, symbolise un peu l’ambition de l’ouvrage : offrir un nouveau point de vue, celui d’un oiseau, sur Paris », explique Jérémie Lippmann, comédien et metteur en scène. L’oiseau, fil conducteur de cet album qui s’ouvre sur un conte de l’écrivain David Foenkinos, l’histoire d’un petit volatile qui vient retrouver sa belle à Paris…

« Si d’autres comme Yann Arthus-Bertrand, ont réalisé des vues de Paris depuis un hélicoptère, n otre livre est le premier constitué uniquement de photos prises depuis un drone », souligne Jérémie Lippmann, 41 ans. Sur plus de 6 000 clichés réalisés tout au long de 2019, 160 sont publiés dans « Paris à vol d’oiseau », dont 28 sont exposés jusqu’au 10 novembre sur les grilles de la tour Saint-Jacques (IVe). « C’est notre volonté d’offrir gratuitement ce travail au grand public », confie Basile Dell.
Le drone est devenu un oiseau
Comme l’écrit leur collaboratrice Alexandra Luciani dans l’avant-propos de l’ouvrage, « le drone est devenu un oiseau qui prête ses yeux et ses ailes à Basile et Jérémie ». Sur le plancher des vaches, la réalité est moins poétique. Pour chaque prise de vue, une autorisation de la préfecture de police pour un créneau de quatre heures maximum, est requise, sans oublier que l’autonomie des drones est limitée à 15 minutes. Rivés sur le trottoir à leur télécommande et leurs écrans de contrôle, Jérémie le pilote comme Basile le cadreur-photographe, en conviennent volontiers : mener à bien ce projet ne fut pas une sinécure…
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Est-ce parce que le drone ne vole qu’à 20 mètres du sol (autant dire à hauteur d’immeuble), 50 mètres au maximum ? Le résultat est saisissant, donnant l’impression par exemple que le Génie de la Bastille est à portée de main ! De la place des Vosges (IVe) dont on découvre l’envers du décor, à savoir les cours qui n’ont rien à voir avec l’harmonie des belles façades rouges au toit du centre Pompidou (IVe) d’où s’échappe une vapeur blanchâtre, en passant par les nefs éclairées par une lumière bleue du Grand Palais (VIIIe), les deux frères -qui ont aussi travaillé pour la télévision (« Des racines et des ailes »…)- montrent la capitale sous un jour méconnu.
Soucieux de ne pas se cantonner à un Paris de carte postale, ils invitent également le spectateur à contempler les façades très géométriques des tours de la cité Michelet (XIXe), les toits saupoudrés de neige des barres de la rue Fontarabie (XXe) ou les petites terrasses nichées sous les toits d’un vieil immeuble de la place Franz-Liszt (Xe)…
Notre-Dame avant le drame

Comment ne pas admirer enfin la photo de Notre-Dame (IVe) dominée par la flèche de Viollet-le-Duc, prise presque par hasard, le 1er avril 2019 à 18h47, soit deux semaines jour pour jour, heure pour heure, avant l’incendie qui l’a ravagée? « L’idée, ce jour-là, était de photographier la façade et le toit de l’Hôtel de Ville sur le parvis duquel nous étions installés. En tournant la caméra, Basile a fait apparaître à l’écran une vue magnifique de la cathédrale avec la flèche. Aussitôt, je lui ai dit de faire la photo, d’autant qu’il y avait une belle lumière. Mais il n’était pas d’accord, il me disait que nous reviendrions un autre jour », se souvient Jérémy. Et Basile de conclure : « Finalement, j’ai fait cette photo, un peu à contrecœur ». L’une des dernières assurément, de Notre-Dame arborant sa charpente d’origine…
Par Philippe Baverel